LE TABAC TRESNIEK - Robert Seethaler

Août 1937, le jeune Franz débarque tout droit de son village reculé de Haute-Autriche à Vienne. Sa mère ne pouvant plus subvenir à ses besoins, elle décide de l'envoyer chez une vieille connaissance à elle : Otto Tresniek, patron du fameux Tabac Tresniek. Franz est avant tout ici pour travailler mais aussi pour devenir un homme, lui qui n'a jamais quitté ses montagnes ni travaillé de sa vie, il va pour la première fois découvrir la société dans toute son authenticité ; aussi bien dans ce qu'elle offre de merveilleux à travers des relations nouées avec des êtres bons mais aussi dans l'horreur dans laquelle l'époque va la faire glisser petit à petit. Nous découvrons donc, à travers les yeux de ce petit garçon aussi naïf qu'intelligent les grands changements politiques et sociaux de l'époque. D'abord pris sous l'aile du sévère Otto, grand lecteur de journaux qui va l'initier à la lecture et aux cigares, Franz va petit à petit tisser une sorte d'amitié avec ce professeur juif qui fréquente le tabac...un certain Sigmund Freud... 
Mais à l'époque où la Gestapo commence à rôder et à tout contrôler, le jeune garçon se verra bientôt privé de ses mentors et livré à lui-même dans une ville où il n'est décidément pas permis d'être libre...

Mon avis : J'ai tout simplement dévoré ce livre chers lecteurs. Au fil des pages, nous accompagnons le petit Franz à travers les questions existentielles qu'il commence à se poser et surtout à poser au Professeur Freud. Nous partagerons avec lui son premier amour et sa première déception, son incompréhension face aux nouvelles règles édictées par les nazis et son acharnement pour sauver ces personnes auxquelles il s'est véritablement attachées. Franz est un coeur tendre que les évènements vont façonner et endurcir sans jamais lui ôter la bonté qui le caractérise. Un personnage coup de coeur, un roman touchant, un livre vivement conseillé :)

Mon passage préféré : "A 15h25 précises, conformément à l'horaire, le train partit, il prit rapidement de la vitesse et quitta la gare en direction de l'ouest. Franz ferma les yeux. Combien d'adieux peut supporter un être humain? se demandait-il. Peut-être plus qu'on ne croit. Peut-être pas un seul. Rien que des adieux, où qu'on soit, où qu'on aille, on devrait être prévenu. Pleut envie de se laisser carrément tomber en avant et de rester allongé là, le visage contre le sol du quai. Un bagage abandonné, perdu, oublié, seulement entouré de quelques pigeons curieux. Mais c'est n'importe quoi, se dit-il furieux en secouant la tête et en rouvrant les yeux. Il regarda une dernière fois les voies qui clignotaient dans la lumière du soleil. Puis il tourna les talons, retraversa le hall d'arrivée et sortit dans la clarté viennoise de l'après-midi. Le ciel était d'un bleu radieux, la pluie avait lavé l'asphalte, et les merles chantaient dans les buissons. Devant l'entrée de la gare se dressait le réverbère auquel Franz avait dû s'accrocher jadis à son arrivée à Vienne. Il y avait combien de temps de cela? Un an? La moitié d'une vie? Une vie entière? Il ne put s'empêcher de trouver comique ce drôle de garçon qui s'était en son temps cramponné à ce réverbère, avec cette odeur de résine dans les cheveux, ses chaussures toutes boueuses et quelques espoirs saugrenus dans la tête. Et soudain il réalisa que ce garçon n'existait plus. Il avait disparu.""

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