DES FEMMES QUI TOMBENT - Pierre Desporges
A Cérillac "pittoresque bourgade aux confins du riant Limousin et du verdoyant périgord (FR3 Lille)", la mort frappe les femmes qui, une à une, finiront par mourir assassinées...ou suicidées? Une enquête improbable est ouverte...
Pierre Desproges dans toute sa splendeur! De l'humour, beaucoup de cynisme et d'absurde, une maitrise parfaite de la langue française dans ce livre que j'ai lu d'un seul trait! Chaque chapitre, qui pourrait en effet correspondre à un petit sketch, nous plonge un peu plus dans cette histoire totalement délirante qui en réalité reflète la vision (très moqueuse) de l'auteur sur "la vie du Français moyen". Une belle réussite!
Mon passage préféré : Adeline Serpillon appartenait à cette écrasante majorité des mortels qu’on n’assassine pratiquement pas.
Elle n’avait pas d’argent, pas d’amour, pas de haine, pas
d’attraits. Ses convictions politiques l’amenaient à conspuer doucement
les augmentations du prix du gaz, rarement au-delà. Elle était moyenne
avec intensité, plus commune qu’une fosse, et d’une banalité de nougat
en plein Montélimar. Hormis le chat gris mou qui dormait sur son lit,
personne ne se retournait sur elle, et encore moins dessous. Depuis
quarante ans, elle rapetissait à petits pas derrière le comptoir de bois
ciré de sa mercerie qui sentait le miel et la sciure fraîche, sans
qu’on la prît jamais en flagrant délit de bonne ou de mauvaise humeur.
(…)
Ainsi paraissait-il improbable à chacun qu’Adeline Serpillon mourût un jour assassinée.
Cependant, le 9 mai dernier, le chauffeur du car de Nontron, qui
lui livrait couramment ses fils et boutons, la trouva par terre sous son
présentoir à couture. Malgré le grand couteau à viande qui l’avait
saignée à blanc en la perforant du plexus au nombril, et qui restait
planté là, dans son ventre triste, elle conservait dans la mort cet air
con des mercières mesurant l’élastique à culottes.
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