LE MORAL DES MENAGES - Eric Reinhardt

Pour tenter de s'extraire de la classe moyenne dont il est issu et qu'il exècre plus que tout, Manuel Carsen, personnage principal et narrateur, s'est lancé dans une carrière de musicien. Mais le talent semble faire défaut à ce chanteur aigri dont personne ne parle et qui n'a pas réussi à percer. Sa femme et sa fille ont déserté sa médiocre vie et le voilà seul à faire le bilan sur ce qui lui semble être l'origine de son échec total : la classe moyenne de ses parents. 
La première cible de sa haine et de son mépris sera son père, qu'il considère comme un commercial raté qui a passé sa vie à se faire humilier. Viendra ensuite sa mère qui représente l'archétype de la ménagère qui partage son temps entre la télévision, les comptes et la préparation de ses éternels gratins de courgettes. Enfin sa fille qui, pour boucler la boucle, le méprise de mépriser ainsi sa situation et ses origines sociales. 
A la fois très dur mais "drôle" à sa façon, "Le moral des ménages" est le témoignage poignant d'un enfant que la classe moyenne aura façonné à coup de frustrations et d'éternelles envies d'ailleurs. 

J'aime cet auteur que j'ai découvert dans "L'amour et les forêts". "Le moral des ménages" m'a beaucoup plu aussi même si certains passages ont pu me mettre mal à l'aise. L'écriture est très incisive et l'auteur a réussi à nous faire ressentir la hargne de son personnage, sa frustration parfois, sa souffrance la plupart du temps. Il s'agit aussi en quelque sorte de la description (à peine caricaturée) d'une classe sociale et de ses travers, ce qui peut être drôle par moment. Mais il faut avouer que, globalement, le ton de ce roman est plutôt glauque...mais pour sa précision dans la description, et pour le style de son écriture, je vous le conseille chers lecteurs!

Mon passage préféré : "Tu vois, dis-je à Triskelle, un truc que personne n'ose dire, c'est que les ménagères de la middle class nous ont foutus dans la merde. Les ménagères de la middle class, on n'en parle absolument jamais. La progression exponentielle du taux d'épargne des ménagères de la middle class, les navets bouillis, les salades d'endives, les Babybel et les vins de table que j'avalais chez les voisines de mes parents, les expéditions d'André Bonnemaire, un samedi sur deux, chez les grossistes qui fournissent les cantines d'entreprises et les self-services des cafétérias, André Bonnemaire, remplissant sa Ford Escort de porc chop suey, de daurades, de blanquettes surgelées ou d'escargots de Bourgogne, et ce à des tarifs défiant toute concurrence, et ce grâce à une carte qu'un camarade à lui qui travaille dans la "grande distrib" lui a fournie, André Bonnemaire organisant un traffic de nourriture surgelée, réalisant sur chaque transaction une petite marge destinée à "payer les frais d'essence, on n'en parle absolument jamais. Ces gens là qui pourrissent l'atmosphère, qui entraînent la société tout entière dans leur misérabilisme de pacotille, qui considèrent le paramètre consommation comme un piège à cons qu'ils sont assez malins pour éviter, on n'en parle absolument jamais."

Commentaires

  1. Anonyme04:29

    Avez-vous lu l'amour et les forets de cet auteur?

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