EN VIEILLISSANT LES HOMMES PLEURENT - Jean-Luc Seigle

L'histoire commence et finira le 9 Juillet 1961. En effet, ce roman se déroule sur une journée où chaque membre de la famille Chassaing va se trouver bouleversé par un évènement différent...sauf peut-être la mère d'Albert qui a oublié sa vie et qui se fait oublier assise là, au pied du cerisier que son fils tentera d'ailleurs d'abattre. Au cours de cette journée, Albert ouvrira les yeux sur la dure réalité de sa vie que la pudeur lui a toujours interdit d'exprimer, les fermera alors pour pleurer pendant que sa femme, prototype de la nouvelle ménagère à genoux devant la société de consommation qui commence à voir le jour à cette époque, attend avec impatience l'arrivée de la télévision qui pourra lui procurer alors le seul bonheur véritable qui lui reste : regarder son fils Henri parti faire la guerre en Algérie. 
Pendant ce temps, le petit Gilles, cet enfant "différent" dévore les livres et se passionne pour Eugénie Grandet de Balzac avant d'être le premier à découvrir le drame.
Secrets de famille, non-dits, mensonges, pudeur, tromperies, malheur d'une famille qui aura pourtant tenté, comme nombre d'entre elles, de se voiler la face sur sa réalité et ce...jusqu'à ce que l'homme commence à pleurer...

Comme bien souvent, c'est le titre de ce livre que je vous recommande qui m'a attirée en premier lieu. J'ai tout de suite été prise dans l'histoire de cette famille racontée avec beaucoup de simplicité à travers les yeux humides de l'homme. La description psychologique de chacun des personnages est sans doute le point fort, selon moi, de ce roman car en effet, la famille Chassaing et son histoire sont plutôt banales. Ne vous attendez donc pas à une véritable intrigue où péripéties et rebondissements vous donneront le vertige. 
Au contraire, tout se passe dans le calme, ce qui n'enlève rien cependant à la brutalité des prises de conscience...

Mon passage préféré : Dans ces choses, Albert savait qu'elle pensait à Gilles qui était venu au pire moment de leur histoire, quand leur couple s'acheminait lentement vers un divorce sans qu'ils en aient jamais vraiment parlé ensemble. D'ailleurs, elle relâcha son étreinte et libéra Gilles, comme si elle le rendait à son père. Elle ne regrettait pas vraiment son mariage ; elle l'avait voulu et il lui avait permis d'avoir Henri. Dès son retour de la guerre, Albert avait compris qu'elle aurait préféré qu'il ne rentre jamais, ainsi elle aurait pu fuir avec sa merveille, changer de vie, s'installer dans une ville, redevenir une inconnue, ce qu'elle avait toujours été puisqu'elle avait été abandonnée à la naissance. La vie dans ce village l'avait rendue trop visible et sa position d'épouse Chassaing plus menaçante que rassurante. Le fait de porter ce nom qui n'était pas le sien fut plus difficile à supporter que de ne pas en avoir.  Mais Suzanne ne pouvait pas soupçonner qu'Albert se doutait de quelque chose. Presque rassurée, elle disparut dans la cuisine pour préparer quelque chose...

Commentaires

Enregistrer un commentaire

Articles les plus consultés