PAS SON GENRE - Philippe Vilain

François, professeur parisien de philosophie, très cultivé et un peu bobo sur les bords se voit muté à Arras. "Jenny", la coiffeuse dont les seules lectures se limitent à l'horoscope des magazines people tombe éperdument sous le charme du bel intello et ne tarde pas à devenir une maîtresse aussi admirative que dévouée. Alors que tout les sépare, François persiste dans cette relation qui ne le rend pourtant manifestement pas heureux. Reste-t-il avec elle par peur de la solitude? Est-il plus amoureux d'elle ou de l'image que celle-ci lui revoit de lui-même? Jusqu'où peut-on se mentir à soi-même en amour?

Le "racisme sentimental" existe-il vraiment? Peut-on refuser de s'engager sur le chemin de l'amour avec une personne différente de nous socialement? Un thème intéressant ici brillamment romancé par Philippe Vilain, spécialiste des relations amoureuses douteuses... Si ce style de lecture vous plait, je vous conseille vivement "Paris l'après-midi" du même auteur, que j'adore. Bonne lecture!

Mon passage préféré : C'est peu après cet épisode que je pris conscience de l’ambiguïté de mes sentiments pour Jennifer, du mécanisme pervers de mon affection qui m'imposait de la mépriser pour l'aimer ; je sentais, en effet, que l'ennui et l'exaspération que Jennifer produisait sur moi était au fond indissociables de mon mépris pour elle, donc de mon affection, et que non seulement mon exaspération résultait de mon mépris mais que celle-ci le causait, l'entretenait et le nourrissait, à la manière d'un vice, à savoir que si je méprisais Jennifer parce qu'elle m'exaspérait, je pouvais m'exaspérer de la mépriser, de me culpabiliser, d'éprouver quelque chose comme de la pitié, une pitié rédemptrice qui blanchissait mon âme, me dédouanait de l'avoir choisie, je veux dire, une pitié qui me donnait l'impression de l'aimer honnêtement

 J'en étais à cette phase : je me sentais si fautif que je croyais l'aimer.