LES INVITÉS - Pierre Assouline

Dans son luxueux appartement du 7ème arrondissement, l'heure tourne et Sophie du Vivier, en parfaite maîtresse de maison, s'active à la préparation de la grande réception qu'elle donne ce soir. Son invité d'honneur est un éminent homme d'affaires et pour lui en mettre plein la vue, Sophie a prévu les choses en grand ; ses invités ont été triés sur le volet, le menu est digne d'un restaurant étoilé, la table est si parfaite que l'espace entre les verres et les assiettes a été mesuré. Sophie a tout prévu.
Sauf...l'annulation à la dernière minute de l'un de ses convives, ils seront donc treize à table. 
Pour la maîtresse de maison, c'est la catastrophe et elle ne peut se résoudre à placer ce dîner sous le signe de la malchance. Quelqu'un propose alors une solution : convier Sonia, la bonne, à table avec eux. Sophie est mortifiée. Car personne n'aurait pu se douter que Sonia ne remplit pas toutes les cases du cliché de la bonne maghrébine, elle est en effet sur le point d'achever son doctorat en Histoire de l'Art à la Sorbonne et n'hésitera pas à se mettre au niveau de ceux qu'elle était sensée servir ce soir.
Commence alors ce dîner où la grande comédie des apparences va se voir malmener par la tombée des masques des représentants de ce beau monde... 
La plume ironique et incisive de Pierre Assouline nous offre encore une fois un roman jubilatoire ! 

Le cadre, l'ambiance et le thème m'ont d'emblée séduite! J'aime les histoires à huit clos dans lesquelles les personnages finissent toujours par se révéler selon leur vraie nature. Et c'est précisément le cas ici où ces bourgeois tirés à quatre épingles se révèleront être de grossiers personnages aussi impolis qu'arrivistes, et aussi snob qu'incultes. Un trait bien évidemment forcé par un Pierre Assouline aussi connu pour ses prises de position plus ou moins radicales. Car il ne s'agit pas de fustiger les bourgeois mais au contraire d'une belle leçon sur les apparences et les jugements que l'on peut émettre sur autrui. Un beau pied de nez aux clichés !
L'érudition qu'il prête au personnage de Sonia nous permettra également de voir se rétablir certains lieux communs tout en apprenant par la même occasion car nombreuses seront les références de culture générale partagées au cours de ce fameux dîner ! A lire !

Mon passage préféré : 
Certains invités voulaient en découdre. Comment avait-on pu passer ainsi de l'aiguillette de boeuf à la cuillère à la question de l'excision, il ne le saurait jamais.
- " Ce n'est pas culturel, c'est barbare, c'est tout", trancha Marie-Do, qui tenait absolument à en faire un pilier de l'islam.
- Pardonnez-moi, la reprit Sonia qui avait gagné en assurance, mais vous commettez une erreur assez commune. Cela n'a rien à voir.
- Ce n'est pas musulman? Alors c'est quoi?
- C'est une mutilation ou une tradition, selon les points de vue, très ancienne, propre aux populations du Nil, qui s'est répandue dans l'ensemble de l'Afrique. Mais c'est une coutume animiste d'origine pharaonique. Rien à voir avec l'islam. D'ailleurs en Egypte, les chrétiennes...
- Je demande à voir.
- Mais c'est tout vu ! s'enflamma Dandieu. Puisqu'elle vous le dit, pourquoi ne pas la croire?
- Au fond, c'est la circoncision des filles, reprit Marie-Do. Et la circoncision, ce n'est pas musulman? Ni juif non plus?
- C'est hygiénique, international et éventuellement laïque. Très courant aux Etats-Unis chez les protestants de naissance, et en Angleterre... Tiens, vous savez à qui les Windsor font appel depuis des générations pour circoncire leurs garçons à la naissance. A un rabbin, car les rabbins se transmettent un savoir-faire de la chose bien plus ancien que le plus habile chirurgien du royaume. Ça vous la coupe, non?"

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